Le vocable « migration » est contemporain des premières migrations
transatlantiques qui suivent la « découverte » de l’Amérique à la fin du XVe siècle. Les Amériques, dont l’assignation identitaire de « Nouveau Monde » rend déjà compte d’une temporalité que traversent les expériences migratoires, a connu depuis des vagues multiples de flux, transocéaniques et intra-américains, faisant des continents américains le lieu de rencontre, d’installation, de confrontation mais également d’échange des populations venant des différentes parties du monde.
A l’échelle du continent dans son ensemble, force est de constater « la longue durée » du phénomène migratoire, pour ne pas dire son caractère constitutif. Les Amériques ont en quelque sorte reçu « la migration en héritage ».
Si les questions migratoires occupent depuis longtemps les chercheurs en sciences humaines, nous souhaitons par ce colloque interdisciplinaire aborder le
sujet en restant au plus près des expériences des migrants, individuelles ou collectives, quelle que soit leur époque, génération, lieu d’origine et d’arrivée, parcours.
Bref, après une période marquée par des débats qui ont renouvelé les théories de la migration (ethnicité, identité, transnationalisme, globalisation), ce colloque, sans négliger ces apports importants, entend placer résolument le migrant au centre de l’analyse.
On privilégiera quatre axes qui tracent des perspectives mais ne correspondent pas nécessairement à l’organisation des sessions du colloque.
Temporalités.
L’aspect temporel des migrations dans, de et vers les Amériques se décline
sur plusieurs modes, rythmes et chronologies. Micro-histoires
individuelles ou gestes cycliques et collectives tissent la trame d’une recomposition constante malgré des rythmes contrastés et des trajectoires parfois contradictoires. Dans cette perspective la question des temps des migrations et du temps dans l’expérience migratoire peut se construire dans une double approche macro et micro analytique, qui peut aussi être envisagée dans une approche comparée des migrations. Sur le plan de l’expérience des sujets, faut-il la réduire à la temporalité d’une vie, à une temporalité familiale, trans-générationnelle même, qui apporterait une nouvelle intelligibilité à la question
du retour et des retours différés entre générations, voire à la compréhension de « cultures politiques » spécifiques des migrants? N’y a-t-il pas contradiction
entre « réduire » et « apporter une nouvelle intelligibilité » ?
Trajectoires.
La migration suppose également des trajets qui s’inscrivent dans l’espace et
se limitent rarement à de simples allers-retours entre deux points ; souvent odyssées complexes, les parcours des migrants mobilisent des ressources humaines, économiques et technologiques variées. S’ils suivent pour partie les opportunités du marché du travail, ils répondent aussi à des situations de crises, politiques, économiques ou écologiques aux conséquences diverses. Dans tous les cas, ils s’ajustent également aux évènements de la vie familiale et sociale et ils ont un impact sur ceux qui voyagent comme sur ceux qui restent.
Comment sont perçus, analysés et utilisés par les migrants les étapes,
les accidents et les embûches du voyage ? Comment les trajets sont-ils décidés, organisés, détournés ? Peut-on parler ici d’héritage (de savoirs, de compétences, d’itinéraires) ou le trajet est-il innovation ? On s’intéressera aussi à l’influence des médiateurs et des organisations formelles et informelles ainsi qu’à leurs interactions. Il s’agira enfin d’explorer la notion même de trajet migratoire car les migrants traversent leur propre pays et des pays dits de « transit », dans une suite d’ « étapes » qui deviennent parfois, pour un temps ou pour longtemps, des « destinations» de travail et d’installation.
Expériences.
Expérience individuelle d’abord, mais aussi collective de la migration, du déplacement et de la confrontation à un univers nouveau. Les interactions avec un monde de normes, de sons, d’images, de perceptions et de sensations inédites peuvent être appréhendées comme autant de façons de lire et de s’approprier cet environnement. Le lien entre les informations et les images connues avant la migration, le capital d’expérience transmis par des migrations antérieures et l’expérience vécue par les individus se situe ainsi à l’articulation des expériences individuelles et des savoirs collectifs des migrants.
La confrontation quotidienne entre les pratiques anciennes, les imaginaires et les situations nouvelles contribue à constituer une expérience de la migration comme réorganisation des normes individuelles et collectives, qu’il s’agisse par exemple de l’hygiène, de la santé, de l’alimentation, du travail, des pratiques culturelles ou des structures familiales, des rôles sexués et des générations ou des identités ethniques, expérience qui affecte aussi les sociétés « d’accueil ». L’expérience de la précarité et de la clandestinité seront aussi interrogées.
C’est donc la capacité des migrants à inventer de nouvelles normes/formes de vie que nous chercherons à appréhender par ce regard. Que ce soit en produisant des discours, des récits, des images ou en menant des actions qui s’inscrivent dans un processus grandissant de politisation, ils prouvent qu’ils sont «acteurs».
Transmission
L’expérience migratoire peut également être perçue comme un «patrimoine » qui fait à ce titre l’objet d’une transmission entre générations. Ce caractère patrimonial de la migration se retrouve à plusieurs niveaux.
- A un niveau collectif, les productions culturelles des groupes migrants incorporent les expériences migratoires, par exemple dans les savoirs ou les métissages linguistiques ou des « cultures de la migration ». L’importance d’un patrimoine collectif migratoire apparaît également dans la production d’institutions sociales ou économiques qui constitueront les vecteurs de transmission des valeurs du groupe aux générations suivantes.
- A un niveau familial ou individuel, la migration est également un patrimoine qui sera investi, valorisé, recomposé selon des logiques similaires aux
patrimoines fonciers ou de capitaux. Non seulement occasion d’une transmission « passive » d’un héritage, mais également objet de stratégies et d’enjeux au sein des familles, il a vocation à être transmis d’une génération à l’autre selon des logiques sociales qu’il faut encore mettre en évidence.
Pour saisir ces transmissions, on propose de privilégier trois angles :
- l’observation du moment particulier de la transmission ;
- le « fil » sous-entendu par la transmission qui permet de saisir des continuités dans les sociétés migrantes à travers les logiques d’intégration dans les sociétés d’accueil ;
- les phénomènes de rupture auxquels renvoient
immédiatement ces continuités, phénomènes qui mettent justement en cause le fait migratoire et les distances critiques qu’il implique dans la transmission intergénérationnelle et au sein des groupes socioculturels.
ORGANISATION
Les propositions de communication devront être envoyées dans une des
trois langues du colloque : français, espagnol, anglais.
Elles incluront un titre, un résumé d’environ 450 mots de la communication et le rattachement institutionnel.
Le Comité d’organisation s’attachera à valoriser un équilibre entre doctorant-e-s, jeunes chercheur-e-s et chercheur-e-s confirmé-e-s.
Le colloque est ouvert à toutes les disciplines.
Les textes définitifs des communications devront être envoyés un mois avant le colloque afin d’être transmis aux discutants.
Adresse courriel: colloquemigrations2012@institutdesameriques.fr
Calendrier
Réception des résumés : fin juin 2011
Résultat de sélection des propositions : fin octobre 2011
Réception des communications : fin avril 2012
Comité scientifique :
Fernando Devoto (Buenos Aires),
Luin Goldring (University of York,Toronto),
Nancy Green (EHESS, Paris),
Ramon Gutiérrez (University of Chicago),
Jocelyne Streiff-Fénart (URMIS, CNRS, Nice),
Carlos Vainer (Univ fédérale de Rio de Janeiro),
Victor Zuñiga (Univ de Monterrey, Mexique)
Comité d’organisation (Université Paris Diderot) :
Bénédicte Deschamps, Laurent Faret, Pilar Gonzalez Bernaldo, Odile
Hoffmann, Maud Laëthier, Catherine Lejeune, Françoise Lestage, Aurélia Michel, Paul Schor, Sylvain Souchaud, Dominique Vidal
Contact
Sabah Touiher
Secrétariat de la présidence de l’EHESS
190-198, avenue de France
75013 Paris
Tél 01 49 54 25 01 / 02